mercredi 26 juin 2013

L'art martial des engueulades

Une traduction de l'article de Peter Bragman : The Martial Art of Difficult Conversations

Ma femme Eleanor et moi vivions dans une petite maison à Princeton dans le New Jersey. Une nuit alors que nous rentrions à la maison, nous avons trouvé une voiture garée sur notre emplacement réservé. Impossible de savoir à qui appartenait cette voiture. Nous étions fatigués, et nous ne trouvions nulle part où nous garer. Nous avons donc appelé la fourrière. Nous nous sommes garés, et nous sommes allés nous coucher.

Le matin suivant, quelqu'un frappa lourdement à notre porte. Eleanor a été la première à répondre, et elle le regretta immédiatement. C'était notre voisine, appelons la Leslie, qui était très énervée. A la vue d'Eleanor, une pluie d'insultes et d'accusations déferla sur elle. J'étais de l'autre côté de la maison, et pourtant j’entendis tout très nettement.

Il apparut que la voiture mystère appartenait à son fils. Eleanor, habituellement calme et sereine, commença à se justifier, ce qui eut pour conséquence de rendre Leslie encore plus énervée. Et elles continuèrent à s'invectiver, chacune défendant son bout de pain.

Pendant ce temps, je réfléchis au meilleur moyen de sauver Eleanor. Je devais calmer la colère de Leslie, sinon nous n'irions nulle part. La seule solution était de donner le sentiment à Leslie d'être écoutée. Une fois qu'elle aurait le sentiment que son point de vue était compris, et que nous aurions compris à quel point elle était en colère, elle se calmerait, ensuite nous pourrions discuter.

Je décidai de faire trois choses :
  1. Poser des questions. Je poserai des questions ouvertes, des questions de curiosités. Qui, quoi, quand, où, pourquoi, etc... Des questions qui clarifieraient ce qu'elle essayait de dire et ce qu'elle ressentait. Des questions qui permettraient de comprendre son point de vue. Je ne poserai pas de questions/affirmations qui ne duperait personne du genre "Tu ne crois quand même pas ça non ?"
  2. Ecouter vraiment. Je me tairai et j'écouterai ce qu'elle avait à dire. Je ne penserai à rien d'autre, uniquement ce qu'elle me dira. J'essayerai aussi de lire entre les lignes, de comprendre ces intentions, ces peurs.
  3. Répéter et résumer. Je répéterai ce que j'aurai entendu, en essayant de réutiliser les mêmes mots qu'elle. Je résumerai aussi ce que j'aurai entendu, et je vérifierai avec elle si j'ai bien compris. Si elle me dit que je ne comprends pas, je ne lui demanderai pas de répéter, parce qu'elle ne fera que répéter la même chose une nouvelle fois. Ce que je veux vraiment c'est savoir ce que je n'ai pas compris. Donc je lui demanderai ce que j'ai raté. Une fois qu'elle me l'aurait dit, je lui répéterai cette partie une nouvelle fois et lui demanderai si j'ai bon. 
Encore plus important, je n'essayerai pas de nous justifier tant que la colère ne serait pas passée. Le signal serait : une fois qu'elle prend une bonne bouffé d'air et qu'elle détend ces épaules, je pourrai commencer à nous expliquer.

Je me suis senti aussi prêt que possible. Mon cœur battait la chamade au fur et à mesure que je m'approchais de l'endroit où les deux se criaient dessus. "Leslie," interrompais-je, "Salut. Tu es apparemment énervée à propos de quelque chose." Elle vit une nouvelle victime et se jeta dessus. "Énervée n'est même pas le quart de ce que je suis..." J'écoutais. Je posais des questions. Je répétais et résumais. Finalement, il apparut que je compris vraiment pourquoi elle était tellement en colère.

Après environ 15 minutes, je dis, "Donc ton fils vient te voir une fois tous les 36 du mois, et tu voulais vraiment que ce se passe bien. Mais les gens que tu pensais être tes voisins sympas ont appelé la fourrière à la première occasion. Une bonne raison de plus pour lui de ne plus venir te voir."

"Ouais, c'est ça", dit-elle, un peu plus calmement. Et ensuite... rien. Elle était silencieuse. Elle n'avait rien d'autre à dire. J'avais complètement saisie son point de vue. Elle s'était déchargée de sa frustration. Elle avait été écoutée.

C'était le bon moment pour lui dire que nous étions désolés. Son fils venait tellement rarement que nous n'avions pas reconnu sa voiture. Et comme aucun message n'apparaissait, nous n'avions aucun moyen de savoir à qui appartenait la voiture. Il était tard, beaucoup trop tard pour sonner à toutes les sonnettes pour savoir à qui appartenait la voiture, et nous avions besoin de nous garer. C'était la meilleure décision à ce moment-là. Nous étions vraiment désolés d'avoir appelé la fourrière.

Elle se calma encore, et elle nous remercia de la comprendre. Elle suggéra de nous avertir la prochaine fois que son fils viendra. Et elle repartit... souriante.

La seule raison de mon efficacité dans cette situation était parce que j'ai pu réfléchir pendant une minute. Bien que je suis un grand croyant de la pause avant la réponse, c'est quelque fois difficile dans l'excitation du moment. Si c'était moi qui avais répondu à la place d'Eleanor, j'aurai peut-être été encore plus sur la défensive qu'elle.

Quand on apprend les arts martiaux, on apprend le même geste indéfiniment, jusqu’à ce qu'il devienne automatique, et disponible en cas d'attaque surprise. Je réalisai que ce jour-là, j'avais besoin d'un équivalent conversationnel. Je résolu la question en créant mon propre nouveau réflexe : Poser une question.

A chaque fois que je suis surpris et que je ne sais pas quoi dire, je pose maintenant une question. Même si c'est une question bateau du genre "Pouvez-vous m'en dire plus ?". Cela oblige la personne en face à parler, et dans une engueulade, c'est toujours utile de laisser l'autre personne parler en premier. Cela réduit leur instinct de défense, vous pouvez apprendre quelque chose et changer de perspective, ou au moins vous aider à réfléchir à votre point de vue afin qu'ils puissent le comprendre, et vous donner l'exemple de quelqu'un qui écoute, quelque chose qu'il pourrait faire aussi ensuite.

Cette nuit nous avons entendu frapper à notre porte et nous avons tous deux sursauté. "C'est ton tour", me dit Eleanor. C'était encore Leslie. Elle nous demanda si nous voulions manger un morceau ensemble.
Surpris, je réagi instinctivement, "A quoi tu penses ?" 




Peter Bregman est l'auteur de 18 Minutes: Find Your Focus, Master Distraction, and Get the Right Things Done, vainqueur de la médaille d'or des Axiom Business Book awards, nommé meilleur livre de business de l'année sur NPR, et sélectionné par Publisher’s Weekly et New York Post dans le top 10 des meilleurs livres de business.
Il est aussi l'auteur de Point B: A Short Guide to Leading a Big Change et coauteur de cinq autres livres.
Invité sur PBS, ABC et CNN, Peter est un contributeur régulier de Harvard Business Review, Fast Company, Forbes, National Public Radio (NPR), Psychology Today, et CNN, ainsi qu'un chroniqueur hebdomadaire sur Fox Business News.
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Peter Bregman is the author, most recently, of 18 Minutes: Find Your Focus, Master Distraction, and Get the Right Things Done, winner of the Gold medal from the Axiom Business Book awards, named the best business book of  the year on NPR, and selected by Publisher’s Weekly and the New York Post as a top 10 business book.
He is also the author of Point B: A Short Guide to Leading a Big Change and co-author of five other books. Featured on PBS, ABC and CNN, Peter is a regular contributor to Harvard Business Review, Fast Company, Forbes, National Public Radio (NPR), Psychology Today, and CNN as well as a weekly commentator on Fox Business News.
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